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Introduction à notre long tour de roues

En mars 2019, nous, Sarah et Raphaël, prenons la route pour, théoriquement, trois années de pérégrinations à vélo. L'appel du grand air et la perspective d'une vie nomade simple, au plus proche de la nature et des gens sans autre plaisir que de vivre la vie au jour le jour a eu raison de notre sédentarité conditionnée par notre société occidentale.

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Le "Monde", comme tout un chacun, nous avons appris à le découvrir et le comprendre au travers de nos professeurs, des médias, du cinéma ou encore de la lecture. Mais quant est-il vraiment? La politique internationale ou les faits divers défrayant la chronique ne représentent en rien l'âme d'un pays et ses habitants. C'est pourtant cela qui nous importe, au final. Les reportages "évasion" promouvant (à nous Européens) les hauts lieux touristiques et une image traditionnelle caricaturale des cultures n'ont rien de bien authentique, eux non plus. Entre mensonges des grands de ce monde ou des médias et récits de vacances des, comme on aime à les appeler, fast travellers, peut-on réellement croire connaitre ce monde? Sans parler de ces nouveaux courants de bloggeurs et influenceurs en tout genre qui, pour augmenter leur audimat (et leur poches au passage), véhiculent une vision très capitaliste du voyage, bien loin de nos valeurs. 

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​Voir, toucher, sentir, entendre, goûter, ne sont-ils pas le meilleur moyen d'appréhender le monde, sans intermédiaire? Nous en sommes convaincus et affirmons même que le voyage, s'il est pratiqué de manière intelligente, a cet extraordinaire pouvoir de rendre le voyageur plus tolérant, plus humble, plus hospitalier, plus ouvert et plus respectueux. Les clivages tombent, les liens se tissent et la solidarité n'est dès lors plus un vain mot.

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Nous partons donc dans cette quête des autres et de nous-mêmes, mais pas seulement. Au delà des hommes, existent aussi tout le reste qui constituent notre belle terre: climats, paysages, faune, flore, monde minéral, tout prête à la curiosité et l'éblouissement. La nature belle et impitoyable parfois a de quoi nous faire rêver. Pourquoi donc ne pas pousser la porte et voir ce qu'il y a dehors. Coup de pédale après coup de pédale, l'horizon se transforme. Et sans l'avoir remarqué, nous sommes déjà bien loin de chez nous, dépaysés, tout cela, à la seule force de nos mollets.

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Le 9 mars 2019, nous quittons Liège, en Belgique et ne savons pas quand nous rentrerons. Cette réalité est des plus galvanisante. Pour parfaire notre sentiment de liberté, nous souhaitons rester flexible tant sur la durée que sur le parcours. Selon nos envies et en fonction de nos rencontres et possibilités, nous voulons faire de ce voyage non pas un projet organisé répondant à une checklist précise, mais bien à une douce errance ouverte à l' improvisation et aux surprises.

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Nous mettons d'abord le cap vers l'Est pour rejoindre l'Asie du Sud-est et l'Océanie en passant par les Balkans et le Moyen-Orient. Sur ce premier chapitre du voyage, nous modifions déjà notre itinéraire, principalement en raison de la météo et de certaines rencontres inspirantes. Nous ajoutons donc à notre parcours le tour de Corse, mais également quelques pays du Golfe comme l'Iran, du nord au sud, les Emirats Arabes Unis et Oman. (pour plus de détails concernant notre itinéraire, voir la section "la route théorique"). De Dubai, nous nous envolons pour Bangkok et passons trois mois et demi à sillonner routes et pistes thaïlandaises, laotiennes et cambodgiennes.

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Début mars 2020, nous atteignons la frontière malaisienne, bien décidé à profiter de nos 3 mois de visa pour explorer le pays. C'était sans compter l'arrivée d'un nouvel adversaire de taille:​ le SARS-CoV-2. Nous avions envisagé tous les cas de figure, mais, bien sûr, pas celui d'une pandémie rendant désormais impossible les voyages et en particulier le voyage itinérant. Dans un premier temps, faute de pouvoir continuer, et bloqués sur une île depuis l'annonce du confinement malaisien, nous décidons de rebondir autant que faire se peut en consacrant notre énergie à un projet local de permaculture. Contre travail, nous sommes logés et nourris. Nous apprenons quelque chose et surtout restons actifs mentalement et physiquement. Les semaines et mois passent. Nous baignons dans une incertitude constante et souvent difficile à vivre. Bien qu'optimistes au début, les perspectives d'une continuité du voyage s'amenuisent comme peau de chagrin. En juin, après un peu plus de 13 semaines passées sur l'ïle de Langkawi et contraints par les autorités locales, nous prenons la difficile décision de rentrer au pays et suspendre notre voyage jusqu'à nouvel ordre. 

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Le retour, dans ces conditions, est difficilement appréciable. D'une part, nous ne l'avons pas choisi, d'autre part nous ne pouvons nous réjouir de retrouver tout ce qui pouvait nous avoir manqué comme nos proches et amis ou encore les sorties culturelles auxquelles nous tenons tant. Rien de tout cela n'est permis. Les mesures en Europe semblent beaucoup plus strictes qu'en Asie. Règnent ici la peur, la paranoïa et la délation. Nous redécouvrons aussi l'impatience des gens, l'incivisme, la grossièreté, le stress, l'agressivité ou encore le manque de solidarité. Bref, la vraie épreuve n'était pas notre voyage, mais bien notre retour forcé. Bernard Giraudeau disait donc vrai "La mer enseigne aux marins des rêves que les ports assassinent". Assignés à résidence, nous attendons, comme chaque être humain, de retrouver notre liberté.

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